Histoire de ne pas parler que du "verre vide", voici un peu d'espoir et d'intelligence <img src='http://www.nextgaymer.com/public/style_ ... /smile.gif' class='bbc_emoticon' alt=':)' />
MARIAGE POUR TOUS. Grandir dans un foyer gay n'a jamais posé problème à un enfant
Par Marcel Rufo
Pédopsychiatre
LE PLUS. Le projet de loi sur le mariage et l'adoption pour tous sera présenté demain mercredi en Conseil des ministres, mais le débat agite la société française depuis plusieurs semaines déjà. Pour ou contre ? Quelles conséquences sur la famille ? Sur les enfants ? Marcel Rufo, pédopsychiatre, partage son avis forgé sur des expériences concrètes.
Édité et parrainé par Hélène Decommer
Mariage et adoption pour tous : le projet de loi est examiné mercredi 7 novembre en Conseil des ministres (DORIGNY/SIPA)
Ma position sur l'adoption par des couples homosexuels n'est ni celle d'un homme politique, ni celle d'un sociologue, ni celle d'un philosophe. Elle est celle d'un clinicien, qui a rencontré de nombreux enfants élevés par des couples de même sexe et qui a été plusieurs fois désigné comme expert par des juges des affaires familiales.
Grandir dans un foyer homosexuel n'a jamais posé problème
Deux cas de figure permettent aujourd'hui, alors que le projet de loi n'est pas encore voté, qu'un enfant soit élevé par deux parents de même sexe : soit un des adultes a adopté un enfant de manière monoparentale, soit l'homme ou la femme s'est orienté(e) vers un autre type d'amour au cours de sa vie, après avoir eu un enfant d'une union hétérosexuelle.
Objectivement, cela n'a jamais posé aucun problème à un enfant de grandir dans un foyer homosexuel. La seule chose qui gêne, mais c'est exactement pareil chez les progénitures d'hétérosexuels, c'est quand la pudeur de la sexualité n'est pas respectée. Pour le reste, j'ai vu des enfants élevés par des couples homosexuels aussi casse-pieds que ceux de couples hétérosexuels, d'autres aussi drôles et sympathiques, etc. Il n'y a pas de spécificités chez les enfants adoptés par des couples de même sexe.
Quand j'entends l'élu du VIIIe arrondissement de Paris, François Lebel, dire que la légalisation du mariage homosexuel "pourrait ouvrir la porte à la polygamie, l'inceste et la pédophilie", je bondis ! Doit-on lui rappeler que 80% des cas d'inceste et de pédophilie ont lieu au sein de la famille, qui est jusqu'à présent très majoritairement hétérosexuelle ?
La grossesse pour autrui, plus délicat
Si je suis en faveur du mariage pour tous et de l'adoption pour les couples de même sexe, je suis plus circonspect concernant les grossesses pour autrui.
En effet, les quelques enfants de cette "catégorie" que j'ai vus avaient des difficultés assez originales, comme le sentiment d'abandon précoce ou l'impression que tout le monde connaissait leur mère sauf eux. Bien sûr, tous les cas de figure existent et certains couples choisissent de conserver des liens avec la mère porteuse. Mais cela me paraît tout de même compliqué à gérer vis-à-vis de l'enfant.
Par ailleurs, des interactions utérines très fortes se créent entre la mère et l'enfant pendant la grossesse. C'est une supériorité des femmes sur les hommes, qui ne peuvent pas porter d'enfant. C'est aussi à cause de ce lien très particulier que j'émets des réserves sur la gestation pour autrui.
Et si les homos bouleversaient notre système d'adoption ?
Il faut être lucide : même si la loi passe, les homosexuels vont avoir du mal à adopter. Pourquoi ? Principalement parce que le nombre d'adoptions, au niveau international, est en baisse – on ne peut que s'en féliciter, dans un monde idéal il n'y aurait pas d'adoptions internationales. Mais également parce qu'en France, il y a environ 25.000 demandes d'adoption par an, pour environ 600 enfants français adoptables.
Il serait formidable que le droit à l'adoption pour les couples de même sexe s'accompagne de nouvelles modalités concernant notre système français d'adoption. J'en vois trois.
1- D'après les chiffres fournis par les associations de parents adoptant, 30% des enfants adoptés ont des troubles cognitifs. Ce sont pourtant des milieux socio-culturels élevés qui adoptent, dans lesquels les dérangements cognitifs représentent normalement 3 à 4%. Une des solutions serait de créer une véritable politique de l'adopté, où tous les ans l'enfant et les parents adoptifs seraient vus pour un bilan cognitif, avec un pédagogue, un psychologue, un groupe de parole, etc. Autrement dit, d'assurer un suivi annuel de l'évolution de l'enfant, qu'il soit adopté par un couple homosexuel ou hétérosexuel.
2- Il faudrait que la famille biologique d'un enfant adopté – ses grands-parents, ses oncles et tantes, etc. – signent un document administratif. Les identifications d'un individu sont toujours en mosaïque, il n'est pas question que d'un chromosome émanant d'un père ou d'une mère. Ces signatures multiples éviteraient les identifications mono-sexuées, qui constituent un argument – peu solide à mes yeux – de mes camarades opposés à l'adoption par des homosexuels.
3- Enfin, les couples homosexuels donneraient une leçon extraordinaire à notre système d'adoption en choisissant des "grands enfants", ceux qui ont autour de 10 ans, sont toujours adoptables et qui vivent en attendant dans les foyers de l'aide sociale à l'enfance.
Propos recueillis par Hélène Decommer.